Biotechnologie: Amélie Thépot, la science dans la peau
Lauréate d’argent du prix Femme Chef d’Entreprise Prometeuse des « Femmes de l’économie » Auvergne Rhône-Alpes & Genevois 2016, la chercheuse a fondé en 2014 LabSkin Creations, entreprise spécialisée dans la fabrication de peau humaine. Après avoir remporté un appel à projet du ministère de la défense, sa société travaille aujourd’hui, grâce à l’impression 3D, à la mise au point d’une technique de production de peau plus rapide, reproductible et sur-mesure.
Comme souvent, les aventures, aussi bien professionnelles que personnelles naissent de rencontres. Pour l’étudiante en biologie Amélie Thépot, la rencontre décisive, cruciale, s’est produite avec la professeure Odile Damour. Le laboratoire des substtuts cutanés, installé au cœur de l’hôpital Édouard Herriot (Hospices civils de Lyon) qu’elle dirige, est le plus grand centre européen spécialisé dans le traitement des grands brûlés. On y soigne, chaque année, 1 200 accidentés, dont une vingtaine ateints à plus de 60%. C’est donc sous la directon d’Odile Damour et de Pierre Hainault qu’Amélie présente sa thèse en 2009. Cette dernière met en évidence le rôle d’un gène spécifque dans le développement du cancer de l’œsophage.
TESTER DES COSMÉTIQUES SUR DES MODÈLES DE PEAU SUR MESURE
Suivent plusieurs années de collaboration au sein du laboratoire. Elle est notamment chargée d'accompagner le développement de nouveaux modèles d’ingénierie tissulaire et de coordonner la rédaction des rapports de validation pour la fabrication de médicaments de thérapies innovantes (MTI). Puis, début 2014, elle fonde une société de service, LabSkin Creations, qui se propose de tester l’efficacité de produits cosmétques sur des modèles de peaux reconstruites réalisés sur mesure. Cela comprend la conception d’un modèle de peau personnalisable reconstruite in-vitro associée à une analyse caractérisant les
effets des produits testés. « Les entreprises de cosmétiques peuvent ainsi s’appuyer sur des données scientifiques pour prouver l’efficacité d’une crème anti-âge ou hydratante. Cela peut paraître superficiel, mais ces travaux contribuent à faire avancer la science », explique la chercheuse.
La fabricaton de peau complète (épiderme et derme) s’obtient en cultivant des fibroblastes (cellules du derme) sur un substrat qui est une éponge de collagène. On possède ainsi une base sur laquelle on peut ensemencer les kératnocytes (cellule de l’épiderme). Cet ensemble dermo-épidermique est cultivé jusqu’à l’obtention de d’une peau mature. Reste que ce processus reste relatvement long (environ quarante-cinq jours). La créaton à Lyon du laboratoire 3D Fab en 2015 va changer la donne pour la Start-up. « L’idée avec l’impression 3D est d’utliser les cellules du patient pour recréer un tissu endommagé. Nous éviterons ainsi les problèmes d’infection ou de prise d’immunosuppresseur (traitement anti-rejet) toxiques sur le long terme », indique Amélie Thépot. Cette technique brevetée permet d’obtenir un échantllon de peau en vingt-et-un jours seulement en extrudant des cellules de peau nageant dans une bio-encre.
DE LA PEAU EN 3D POUR SOIGNER LES GRANDS BRÛLÉS
Avec la Direction générale de l’armement, la société tente également de créer un modèle vascularisé destiné à soigner les grands brûlés sur le champ de bataille. Il s’agit d’imprimer directement la peau sur la blessure grâce à un bras articulé, en partant de cellules prélevées au bloc opératoire. Il est ainsi possible de traiter de grandes surfaces, sur l’épaisseur de derme voulue. Les premiers tests sur des souris ont eu lieu courant mai 2017. De la peau en 3D pour soigner les grands brûlés et demain peut-être la fabrication d’organes pour pouvoir les greffer sans atendre de don, l’impression 3D offre des perspectives captivantes. Mais, prévient la scientfque « les premiers essais sur l’homme ne seront effectués que dans 5 à 8 ans pour ce qui concerne la peau ». Quant aux organes proprement dits, nous en sommes encore à un stade théorique. « Les dossiers d’autorisation sont longs à constituer et au-delà de l’aspect scientifique et technique, il faut tenir compte du financement de ces nouvelles thérapies », tempère Amélie Thépot.
Florent BELLOUARD