Auteur : 
Andréa NJAMENI

« Les SCOP et leur intelligence collective sont un modèle d’avenir »

Frédéric Pizzo est psychologue du travail, spécialisé dans les problématiques de stress et conflit au travail, et organisation du travail. Membre de Crealead depuis 2016, il intervient pour des consultations individuelles et des médiations, de la formation et de l’audit. Une partie de son activité s’exerce auprès de l’université de Montpellier, du ministère du Travail et du secteur médico-social.

Il  sera l’intervenant du webinaire du 13 avril prochain qui traitera de la façon dont un entrepreneur peut faire face à la crise actuelle, gérer les problèmes auxquels il est confronté, les situations de stress. Et en quoi des structures comme Crealead peuvent être un soutien efficace et moderne à l’entrepreneuriat. L’occasion de l’interroger sur les questions de bien-être au travail, de la façon d’être aligné avec ses valeurs et de l’importance de remettre l’humain au centre du processus.

On parle beaucoup de bien être au travail depuis quelques années, qu’y-a-t-il précisément derrière cette expression ?

Le bien-être au travail c’est un état d’épanouissement personnel et professionnel dans le cadre de son activité. C’est un état de réalisation de soi, où on se sent aligné par rapport à ce qu’on fait. Où la personne est en cohérence entre ses valeurs personnelles et ce qu’elle porte dans le cadre de son travail. C’est faire quelque chose qui plaît et qui permet de se réaliser.

Ce n’est pas une approche du travail qui est ancrée dans notre culture occidentale ?

Effectivement, les grosses entreprises comme les administrations, les services publics, sont encore structurés comme des organisations du XIXe siècle. Ils s’appuient sur les principes de management théorisés par Henri Fayolle, qui s’était inspiré du système mis en place par Henry Ford dans ses usines automobiles aux Etats-Unis. C’est une vision de l’homme au travail qui est très mécaniste.

Or les gens supportent de moins en moins le manque de sens dans le travail, et cela crée beaucoup de souffrances. Plus l’être humain évolue, plus il a besoin de sens, et aujourd’hui beaucoup plus qu’il y a quelques années. Je pense que c’est aussi cela que les gens recherchent en venant à Crealead.

Les sociétés qui gagnent beaucoup d’argent aujourd’hui, en particulier dans ce qu’on appelle les GAFA, sont très branchées sur le bien être au travail. Pas parce qu’elles sont gentilles mais parce que cela entraîne plus de performance chez leurs employés. En France on a tendance a être infantilisant, à ne pas faire confiance. Chez Netflix ils peuvent choisir librement la date et la durée de leurs vacances !

Il faut donc que les entreprises remettent en question leur façon de manager ?

Une évolution est indispensable. On constate qu’il y a de plus en plus d’absentéisme, mais aussi de plus en plus de « présentisme » : ces gens qui sont présents physiquement sur leur lieu de travail mais qui ne font rien, ou pas grand-chose parce qu’ils ne sont pas bien. En France on est dans une société de classes encore, on se soumet, on accepte l’autorité sans s’interroger ni s’opposer.

Même dans les start-ups ?

J’ai eu quelques expériences dans ces entreprises. Souvent il y a un fondateur qui souhaiterait une entreprise avec des relations plus libérées, mais dans les faits on reste dans un management vertical et autoritaire.

Les entreprises ne sont pas conscientes de ces problématiques ?

Si, il y a de la demande pour des formations à un management différent, comme j’en propose. Trop souvent, au lieu de partir sur la coopération au sein des organisations, pour travailler avec confiance, on reste sur un rapport de force. De la hiérarchie vers le salarié mais aussi du salarié vers la hiérarchie. Moi je propose d’instaurer une vraie coopération, avec des rapports de confiance où on n’a rien à se cacher. Je fais aussi beaucoup d’audit de médiation, l’idée est de faire passer le message : on peut ne pas s’aimer, mais on  doit coopérer même sans s’apprécier.

Il va falloir du temps pour changer les mentalités et les façons de faire ?

Il faut peut-être profiter de cette crise, qui n’est pas là pour rien, pour repenser les choses. Il y a tout un mouvement qui peut être vertueux, mais à condition que les salariés aussi prennent leurs responsabilités, du pouvoir. Ce ne peut pas être que la hiérarchie et le système qui changent tout seuls.

Et en quoi une structure comme Crealead est intéressante dans ce changement d’état d’esprit ?

Quand on entre à Crealead on est indépendant, on doit prendre ses responsabilités pour créer et développer son activité mais on n’est pas tout seul : il y a un soutien pour ce développement, on peut profiter d’une trésorerie partagée, on peut travailler en collaboration, sur le principe de l’intelligence collective. Pour moi la SCOP c’est le statut du futur : on est indépendant, on met beaucoup de sens dans notre activité, on prend ses responsabilités,  mais avec une certaine sécurité.