Fact checking: les faits rien que les faits
Le fact-checking : un petit peu de vérité dans ce monde de désinformation
Qui sur le Net n'a pas été confronté à une affirmation douteuse, un argument peu crédible, une explication pseudo scientifique vaseuse? Ce phénomène médiatique, autrefois cantonné à quelques sites extrémistes et complotistes, a pris une ampleur inégalée, croissant au même rythme que les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter ou que les plates-formes vidéo comme Youtube. Exemple pris dans l'actualité récente : les déclarations de Donald Trump sur un supposé attentat en Suède commis par des islamistes radicaux.
Dans un article sur le sujet, le journal Libération démonte facilement la manipulation orchestrée par le Président américain. Comme le journal l'explique, « il est vrai que Trump n’a effectivement pas explicitement parlé d’«attentat» à propos de la Suède. Et c’était probablement une erreur des médias de dire qu’il l’avait dit, alors qu’il l’a seulement (très fortement) suggéré. Car il a clairement placé l’épisode «de la nuit dernière» au cœur d’une liste qui ne répertoriait que des attentats terroristes sur le sol européen: Allemagne, Bruxelles, Paris et Nice. » Pour sa défense, le milliardaire a indiqué que sa « déclaration concernant ce qui se passe en Suède faisait référence à une séquence diffusée sur Fox News à propos des migrants et de la Suède.»
Fox News, cette chaîne de télé ultra-conservatrice est en effet la principale source de Donald Trump. A l'opposé des médias traditionnels qui se revendiquent en général indépendants et objectifs, Fox News a toujours affirmé son parti pris : un mélange entre la Voix de l'Amérique (radio de propagande diffusée vers les pays de l’Est pendant la Guerre Froide), le télévangélisme et la télé-réalité. Porte-drapeau du groupe de presse mondial de Rupert Murdoch, la chaîne a largement accompagné la campagne de Donald Trump. Son succès de novembre 2016 n'y est pas étranger. Bush Junior en 2000 et surtout de 2004 en a également bénéficié. Les pro-Brexit britanniques lui doivent également une fière chandelle. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le point de vue de Rupert Murdoch sur l'information, le documentaire Outfoxed, datant de 2004, reste particulièrement pertinent. L'info sauce Murdoch a d'ailleurs fait des émules du côté de la Russie. Russia Today (RT), chantre du pouvoir russe, incarné par Vladimir Poutine, n'a rien à envier à sa grande soeur.
Decodex et Checknews : outils de vérification de l'information
Très bien tout ça, mais le mal est déjà fait me direz vous. Vous pourriez aussi m'expliquer que cela vous dépasse et qu' à votre niveau vous ne pouvez rien y faire. Heureusement pour vous le journal Le Monde a mis au point le vérificateur de la fiabilité d'un site : le Decodex. Facile à installer sur Mozilla Firefox ou sur Google Chrome, il vous permet d'évaluer la fiabilité d'un site d'un simple coup d’œil grâce à une icône placée en haut et à droite de la page web consultée. Celle-ci passe du rouge au vert en fonction de la crédibilité, accompagnée d’un petit encart d’avertissement. De son côté le quotidien Libération a lancé Checknews.fr . Ce sont les lecteurs qui posent leurs questions, via la plateforme, auxquelles la rédaction répond.
Donc question site, l'internaute dispose à présent de bons outils fiables et pratiques. A noter que le journal Le Moonde met également à disposition un kit éducatif à destination des enseignants et des associations. Instructive et adaptée aux usages contemporains. L'association Zététique propose aussi une série de vidéos très utiles pour entretenir votre hygiène mentale.
Autre initiative collaborative : CrossCheck. Pilotée par Google, elle associe 16 rédactions françaises : France Médias Monde (via les Observateurs de France 24), France Télévisions, Global Voices, l’AFP, Libération, La Provence, Les Echos, La Voix du Nord, Le Monde (Les Décodeurs), Nice-Matin, Ouest-France, Rue89 Bordeaux, Rue89 Lyon, Rue89 Strasbourg et StreetPress. Dans le contexte des prochaines élections présidentielles, cette collaboration vise à « faire vivre » la liste des sites tendancieux alimentant les outils comme le Décodex du Monde. A signaler enfin le site Arrêt sur images qui propose une série d'articles sur le sujet.
Comme l'a écrit Jean Jaurès : « le courage c'est de rechercher la vérité et de la dire, c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »
Les réseaux sociaux principaux vecteurs de la désinformation
Restent les réseaux sociaux, principaux vecteurs de la désinformation, du fait de la relative liberté de publication laissée à leurs utilisateurs. Critiqué pour avoir laissé passer de fausses informations lors de la campagne présidentielle aux USA, le principal réseau social, Facebook, qui revendique 1,8 milliard d'utilisateurs, s'essaye aussi à la vérification. Le but étant de signaler la désinformation plutôt que de la censurer. Cette possibilité de signalement existe de manière expérimentale aux États-Unis et devrait être effective en France et en Allemagne prochainement.
Pour autant, le refus de Facebook d'être considéré comme un média, de prendre une quelconque responsabilité éditoriale, limite concrètement l'efficacité de la lutte contre la diffusion de ces fausses informations. De même, le patron du réseau social, Mark Zuckerberg, persiste dans un certain relativisme, mettant sur un même plan toute publication quelle que soit la source. Pour lui, le problème vient du fait que chacun a ses valeurs, sa culture et que donc les contenus diffusés vont choquer certaines personnes mais pas d'autres.
Bref avant que les progrès de l'intelligence artificielle aident le réseau social à distinguer le vrai du faux, c'est aux utilisateurs de se prendre en main. Là encore, et je vous jure que je n'ai pas d'action dans ce journal, vous pouvez vous faire aider par le fil de discussion Messenger des décodeurs du Monde en leur soumettant vos questions et vos doutes.
Florent BELLOUARD
Article L-122-4
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