Consommation de données numériques, loi AGEC et information des consomateurs
Co-entrepreneur

La pollution numérique se résume-t-elle à l'empreinte environnementale de nos données ?

Secteur : 
Tous secteurs
Auteur : 
Cécile Hadjadj

Enjeux climatiques, gaz à effet de serre (GES), Bilan Carbone, politique RSE - Responsabilité Sociétale des Entreprises - tous les acteurs de la société sont fortement incités à mettre en place des actions pour limiter leurs impacts environnementaux.

La prise de conscience s'étend maintenant également au numérique dont les utilisations ont explosé durant la dernière décennie. Le gouvernement a donc statué sur certaines mesures qui touchent collectivités, entreprises et également les consommateurs que nous sommes tous. Les études montrent toutefois que les impacts les plus importants ne sont pas directement liés à notre consommation de données.

Il devient parfois difficile d'identifier les actions qui sont à la fois à notre portée et qui font une véritable différence. Pourtant nous pouvons tous mettre en place quelques règles simples qui aideront à réduire notre empreinte environnementale liée au numérique.

Pourquoi une loi pour alerter le consommateur sur l'impact des données sur l'environnement?

Du tout papier au tout numérique

Le numérique apparaît pour le plus grand nombre comme largement immatériel. Dans les faits, nous avons évolué de la matérialité du papier vers la dématérialisation du numérique. Les documents imprimés officiels ou non laissent place à l'information numérisée. Les chiffres reflètent ce déclin : nos envois postaux en France ont été divisés par 2 en dix ans.

Les autres domaines de prédilection du numérique

La même évolution s'est également opérée dans le domaine de nos relations interpersonnelles. La plupart d'entre nous sommes désormais connectés en continu avec nos cercles - familial, amical, professionnel - par le biais de différents réseaux sociaux.

Nos habitudes changent également dans la façon dont nous consommons l'audiovisuel puisque les flux vidéos constituent en 2018, 80 % des données échangées.

Les 'nouveaux' usages du numérique

L'internet des objets avec l'explosion des objets connectés (enceintes, montres, robots cuisine, capteurs...) génère une quantité d'informations considérable. Ce mouvement de fond est appelé à croître avec l'augmentation des échanges entre machines et celle de la création de données générées par l'intelligence artificielle. On peut parler de croissance exponentielle dans la période 2010 - 2020 et d'une prévision de croissance soutenue pour les années à venir.

L'action du gouvernement français

La loi Anti Gaspillage et Économie Circulaire (AGEC) demande aux opérateurs qui fournissent un service d'accès Internet d'informer leurs abonnées sur la quantité de données consommée et son équivalent en émissions de gaz à effet de serre. Un décret a entériné la mise en application de cette loi au 1er janvier 2022.

La loi sur la Réduction de l'Empreinte Environnementale du Numérique (REEN) renforce les mesures d'éco-condition à la diminution de la Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Électricité. Les centres de stockage de données doivent mettre en place un système de gestion de l'énergie conforme à la réglementation ainsi qu'un programme de bonnes pratiques - écoconception, optimisation d'efficacité énergétique, suivi de la consommation, mise en oeuvre de technologies de refroidissement.

La pollution numérique se résume-t-elle aux données, à leur stockage et à l'énergie consommée?

La part des centres de données dans la pollution numérique

Avec la marche forcée de la société vers la digitalisation, la problématique des centres de données et de leur consommation d'énergie est devenue centrale. Les études montrent cependant qu'ils participent à environ 20 % de la consommation d'énergie totale du numérique, quand 60 % est attribué aux terminaux utilisateurs et le reste aux réseaux.

Les terminaux utilisateurs et leur rôle dans la pollution numérique

La part conséquente des terminaux dans la consommation d'énergie est directement liée au nombre saisissant d'équipements dans le monde. Ils sont estimés à 34 milliards en 2020 avec en moyenne 8 équipements par utilisateur. Ce chiffre cache des disparités régionales importantes. En France, nous aurions entre 11 et 15 équipements en moyenne suivant la tranche d'âge considérée.

Les résultats d'une Analyse du Cycle de Vie multicritère démontrent que la phase de fabrication est la plus génératrice d'impacts. Cette phase nécessite d'importantes quantités de matières premières. L'extraction et le raffinage des différents minerais conduisent à une pollution des sols, de l'eau et de l'air ainsi qu'à un épuisement des ressources naturelles et à l'émission de GES . Ces émissions sont d'autant plus importantes que les terminaux sont avant tout produits dans des pays qui recourent principalement aux énergies fossiles.

Ces équipements qui génèrent la plus grosse part de la pollution

Les écrans, le matériel audiovisuel et, plus particulièrement, les téléviseurs, génèrent le plus d'impacts. Ils sont suivis des ordinateurs portables, des tablettes puis des smartphones. Ce constat, bien que surprenant, est à nouveau justifié par leur nombre. Il est possible que dans les années à venir avec l'essor des objets connectés, ce classement change. Toutefois, la part de la phase de fabrication dans la pollution due au numérique ne semble pas prête à diminuer.

L'action du gouvernement français

L'indice de réparabilité est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Il porte notamment sur les smartphones, ordinateurs portables et téléviseurs . Il a été introduit par la loi AGEC et devrait se transformer en indice de durabilité en 2024.

Cette même loi a également pour objectif de lutter contre les invendus non alimentaires. Elle encourage soit le don aux associations soit le recyclage. Ce volet s'applique dès le 1er janvier 2022 aux produits couverts par le régime de Responsabilité Élargie du Producteur qui inclut les équipements électriques et électroniques.

Elle introduit également l'obligation d'intégrer aux commandes publiques 20 % de matériel informatique provenant du réemploi et/ou de la réutilisation ainsi que 20 % incluant des matières recyclées.

Des pistes d'actions pour réduire notre empreinte environnementale en luttant contre la pollution numérique

Un petit retour sur l'indicateur GES (eq.CO2)

Vous l'avez compris, la pollution numérique ne peut être résumée à un unique indicateur d'émissions de GES ou d'équivalent CO2. Les résultats de l'analyse détaillée portée par l'Arcep et l'ADEME corroborent les résultats des rapports du GreenIT.fr et montrent une nouvelle fois que nous pouvons agir en limitant le renouvellement de nos équipements.

Choix du matériel et fréquence de renouvellement

En moyenne, les français renouvellent leur smartphone tous les 24 mois alors que dans de nombreux cas, celui-ci fonctionne encore. Au niveau personnel, nous pouvons donc résister aux appels « marketing » et à l'attrait de la nouveauté. Nous devons requalifier nos véritables besoins, plutôt que céder à nos envies.

Les entreprises et les collectivités sont également appelées à réviser leur politique d'achat et de renouvellement d'équipement. Elles peuvent sélectionner un matériel plus durable, plus évolutif voire envisager d'adapter leur politique de renouvellement systématique du matériel amorti.

Des gestes simples à mettre en place

Il est essentiel de protéger son équipement, de le faire évoluer (rajout de mémoire, changement de disque dur), de le maintenir (désinstallation de logiciels et nettoyage), de le réparer. Lorsqu'un nouvel achat est nécessaire, des solutions existent pour s'équiper avec un matériel reconditionné garanti. Les garanties doivent courir au minimum 6 mois et peuvent atteindre 24 mois sous conditions.

Et si on parlait de la mutualisation des équipements?

L'acquisition d’un smartphone avec deux emplacements de carte SIM permet de gérer sa ligne professionnelle et personnelle sur le même équipement.

De nombreuses entreprises mettent en place des solutions d'impression partagées couplées avec de la location.

Certaines sociétés encouragent l'utilisation de son matériel personnel dans le cadre professionnel (Bring Your Own Device) ou bien autorisent l'utilisation du matériel professionnel à des fins personnelles (Corporate Owner Personnally Enabled).

Et enfin, penchons-nous sur la question de la gestion de la fin de vie de notre matériel

Il n'est pas possible de faire l'impasse sur le sujet des Déchets d'Equipement Electrique et Electronique. Si nous considérons les actions à mettre en place, il est essentiel de donner tout matériel encore fonctionnel. Le recyclage doit se limiter au matériel défectueux et non réparable, ou encore à un équipement obsolète que l'on ne peut pas faire évoluer.

Il est à noter que les professionnels opérant la mise sur le marché du bien sont dans l'obligation de participer à la reprise des équipements. Leurs obligations sont différentes s'il s'agit d'un équipement grand public ou d'un matériel professionnel. Vous pouvez retrouver les engagements sur le site du gouvernement.

 

S’il importe que nous réfléchissions à nos usages, nous devons avant tout agir sur notre consommation d'équipements numériques. Limiter nos temps de connexion, réduire nos partages de données, revoir nos modes de navigation sur internet sont autant d'actions bénéfiques afin de limiter notre surcharge mentale. Mais, comme nous l'avons vu, elles participent modestement à réduire notre empreinte environnementale liée au numérique. Il est à noter que cela n'a pas échappé aux organisateurs de l'édition 2022 du Cyber World Clean Up Day en France puisqu'ils proposent cette année d'agir non seulement sur les données mais aussi sur le matériel. Si vous souhaitez découvrir les impacts du numérique de façon ludique, la Fresque du Numérique permet d'appréhender les différents enjeux en participant à un atelier collaboratif. Vous pouvez y participer en vous adressant à moi directement ou en vous rendant sur le site de l’association la Fresque du Numérique.

 

 Différentes ressources ont été utilisées pour écrire cet article, telles que:

  • Le monde : article du 8 octobre 2020 - 'La Poste fait face à l’effondrement de son activité courrier.
  • Legifrance : Loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire - Loi Réduire l'Empreinte Environnementale du Numérique.
  • Ministère de la transition écologique : Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire - Indice de réparabilité - Notice explicative du décret n°2021-254.
  • Ministère de l'économie des finances et de la relance : 'Objets d'occasion et reconditionnés : quelles garanties pour l'acheteur'.
  • Statista - Infographies: Le big Bang du Big Data - 19 octobre 2021 - Quelle est la durée de vie d'un smartphone - 1 mars 2017.
  • IOT Analytics - Infographie - Global IoT market forecast - Septembre 2021.
  • Et bien sûr différentes publications de l'ARCEP, de Green IT.fr, du Shift Project.

 

Cécile Hadjaj Nureoz

Co-entrepreneur(s) : 
Cécile HADJADJ